La Trinité

En Irlande, la feuille de trèfle est devenue le symbole national parce qu’elle servait à saint Patrick comme image de la Trinité. Pour le commun des mortels, en tous cas pour des non-Irlandais, cela est difficile à comprendre : Père, Fils et aussi Esprit Saint – trois êtres et pourtant un seul. Cela est compliqué même pour les saints. Une peinture de Pinturicchio représente un évêque se tenant au bord d’un golfe, levant les bras de manière interrogative et regardant dan le vide. La peinture a pour titre : » Saint Augustin au bord de la mer méditant le mystère de la Sainte Trinité… »
Je voudrais m’arrêter un peu à Saint Augustin… Il a écrit son grand ouvrage sur la Trinité en luttant et en reconnaissant sa faiblesse. De là est née la légende le montrant au bord de la mer : il rencontre un garçon creusant un trou dans le sable et essayant d’y verser tout l’océan à l’aide d’un coquillage. Ce que voyant, le saint prend conscience qu’il est plus difficile de verser tout l’océan dans un petit
trou que de vouloir comprendre le mystère de Dieu avec notre petite tête.
Cette légende est une belle expression de nos limites. L’océan ne peut être contenu dans la petite coquille de notre pensée si étendue soit-elle. L’altérité de Dieu nous restera toujours insaisissable.
Non seulement pour des hommes normaux mais même pour les plus savants, ce mystère d’un Dieu qui est Un et subsiste pourtant en trois personnes, en cette triple relation d’amour, est insoluble. Il est important que la foi chrétienne maintienne les deux affirmations : Dieu est unique et d’une profonde unité. Mais, cette unité, la plus profonde qui soit n’est plus unité de ce qui est indivisible, mais est le résultat d’un dialogue d’amour. Dieu l’unique est en lui-même relation : c’est
pourquoi il peut créer la relation. Nous pouvons d’une certaine manière en soupçonner le sens, même si nous ne pouvons absolument pas en résoudre le mystère…
Ce qui est essentiel, c’est que la doctrine trinitaire n’est pas une conceptualisation, mais le résultat d’une expérience. Elle est issue de la rencontre entre ce que le Christ a dit et fait et, ce qui a pu être formulé petit à petit dans la fréquentation avec foi et intelligence de ces paroles et de ces actions. Il ne faut pas oublier qu’il y a tout au début la formule baptismale : « je te baptise au nom de Père et du Fils et du Saint Esprit. » Cette formule remonte au Ressuscité lui-même. Même si,
sa profondeur n’était pas encore exploitée, elle structure, dès le début de l’Eglise, la prière et la foi chrétiennes.

In Joseph Ratzinger Voici quel est notre Dieu