« En pneumati kai alètheia » « En Esprit et en Vérité »

1) Petit rappel géographique :
Dans l’Evangile de ce dimanche, l’évangéliste Jean situe la rencontre de Jésus et de la Samaritaine auprès du puits de Jacob, à Sichem. C’est un vallon marquant d’un côté le mont Ebal (930m) et de l’autre le mont Garizim (870m). D’après la Tradition, c’est là en Samarie que Jacob avec les tribus du Nord s’installa et autour d’un puits que ce Patriarche offrit des terres irriguées à son fils Joseph.
A l’origine il y avait des temples sur chaque mont. Sur le mont Garizim, les samaritains ne reconnaissant que la Torah attendaient le retour de Moïse. Par opposition, le centre des tribus du sud était Jérusalem. Jésus était donc bien au courant des conflits séculaires entre ces deux pôles messianiques.
2) La symbolique :
Il est évident de remarquer que Jésus s’approche d’un puits, parce qu’il est midi, qu’il fait chaud et qu’il est fatigué certainement par sa marche. Humainement cela se comprend, mais on ne saura jamais si divinement, il n’avait pas eu l’initiative de provoquer ce rendez-vous avec sa créature afin de lui révéler le sens profond de sa vie …
Son nom nous est inconnu, cela donc nous concerne.
Quoi qu’il en soit, il y a certainement un rapport symbolique profond entre l’eau, le puits et la femme.
Peut-être que celle-ci capable de porter la vie serait un signe pour montrer la grandeur de Dieu : un puits sans fond, une Source intarissable ?
3) « En Esprit et en Vérité » (en pneumati kai alètheia)
Au lieu de commencer à boire, puisqu’il s’agissait de cela au départ, Jésus aide la Samaritaine à une relecture de sa vie en lui rappelant sa soif à elle. Ce renversement de situation aboutit à une révélation : boire une eau qui étancherait toute soif humaine.
Cette eau-vive c’est l’adoration de Dieu, non matériellement mais en esprit et en vérité, c’est-à-dire par le coeur à coeur.
Ce premier commandement de la loi de Moïse va donc réconforter la Samaritaine et décupler ses forces : elle court annoncer celui qu’elle a rencontré avec force intuition : « Ne serait-Il pas le Messie ? »
4) « L’adoration véritable, c’est de s’offrir tout entier » Romains 12 :
Jésus nous montre par ce récit notre capacité à dépasser sans les supprimer, les pratiques matérielles et cultuelles.
On peut donc par extension en montrer d’autres exemples.
On peut adorer Dieu au Saint sacrement ou même à Rome mais tout autant dans le retrait et le secret de sa chambre. (Matthieu 6,6)
Dieu n’est pas tant au Ciel, derrière les nuages ou au-dessus de nous, que dans notre coeur.
Le purgatoire n’est pas un lieu mais un état en nous. (Jean Paul II, audience à Rome, le mercredi 04/08/2000).
Une médaille même bénie n’a pas de valeur en soi si elle n’est pas portée avec dignité et dépassée de toute superstition.
Un apôtre ayant vécu près de Jésus n’est pas plus privilégié que le plus petit d’entre nous qui aime en vérité au fond de son coeur.
Une personne qui n’a eu que des obstacles ou qui n’a connu que le handicap n’est pas moins grande pour Dieu que martyrs ou grands saints.
Jésus nous montre qu’il faut dépasser les préceptes et les rites uniquement pour s’acquitter d’un Dieu sans l’aimer. Il nous invite à ne pas réduire le spirituel au matériel.
Que sert une religion d’observance de rites matériels si notre coeur haït Dieu ou le prochain ?
Adorer Dieu en esprit et vérité est lui donner sa juste place dans notre coeur par la voix de l’Esprit Saint et le célébrer collectivement.
Voir Dieu au coeur de sa Création sans le réduire à l’événement autonome et libre, et le célébrer dans l’amour communautaire, sont une juste manifestation de Sa présence dans laquelle on doit s’offrir.

Alain Ficheux diacre